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Pourquoi je ne ressens pas le stress ?

J'ai des douleurs chroniques dans le bas du dos et tout le monde me dit que c'est à cause du stress. Pourtant je ne me sens pas stressé !
Est-ce que vous aussi vous avez déjà vécu ça ? Des douleurs que rien n'explique. Ni la radio, ni l'IRM, le scanner ou l'échographie et toujours rien dans les prises de sang. Le stress est alors souvent mis en avant pour expliquer tous les pépins physiques.

Rapide aperçu du système nerveux autonome

Avant d’aller plus loin, il nous faut présenter très brièvement le système nerveux autonome.

Système nerveux autonome

Le système nerveux autonome (SNA) est divisé en deux branches :

  • le système nerveux sympathique (SNS) : souvent associé à la réponse de lutte ou de fuite,
  • le système nerveux parasympathique (SNP) : lié à la relaxation et à la digestion. Il est principalement représenté par le nerf vague.

Le SNA est également impliqué dans la régulation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et de la respiration. Il joue un rôle crucial dans la gestion du stress et des émotions.

Le système nerveux autonome vue par la Théorie Polyvagale1

La Théorie Polyvagale propose une vision plus nuancée du SNA, en introduisant le concept de hiérarchie entre les différentes réponses autonomes. Ainsi, au lieu d’avoir un fonctionnement de balance entre le système parasympathique — essentiellement le nerf vague — et le système orthosympathique, Stephen Porges le divise en trois systèmes :

Le système vagal ventral

Associé à la sécurité, la connexion sociale et la régulation émotionnelle. C’est lorsque ce système s’exprime que le circuit du stress est inhibé, la digestion est bonne, le système immunitaire efficace, l’appareil cardio-vasculaire optimal.

Le système sympathique

Associé à la réponse de lutte ou de fuite, mobilisant l’énergie pour faire face à une menace. Très efficace sur le court terme, il épuise le corps lorsqu’il fonctionne de manière chronique.

Le système vagal dorsal

Associé à la dissociation et à l’immobilité, souvent en réponse à des situations de danger extrême. Les personnes qui n’arrivent pas à sortir du vague ventral ont plus de tendances dépressives et anxieuses.

Ces trois systèmes vont interagir pour former toute la palette de réaction que nous éprouvons face à des situations sereines, dangereuses voire mortelles.

Si j’étais stressé je le saurais !

Eh bien… comme nous l’avons vu dans cet article, pas forcément !

En effet, vous savez désormais qu’il existe trois raisons pour lesquelles le stress est le plus souvent sous notre seuil de conscience :

  1. Ce système s’est développé bien avant que la conscience émerge chez nos ancêtres.
  2. Sa nature continue fait que nous avons du mal à le détecter. Ainsi c’est souvent lors des phases de changements (apparition ou disparition du stress) que des sensations peuvent émerger et nous en faire prendre conscience.
  3. Elle est largement déterminée pendant les stades prénataux et précoces de la vie auxquels nous n’avons pas accès de manière consciente.

La Théorie Polyvagale de Stephen Porges, psychiatre américain, apporte un autre éclairage intéressant sur cette notion de stress inconscient.

La neuroception

Le terme neuroception est un mot-valise composé des mots neurone et perception qui a été introduit par Stephen Porges lorsqu’il a développé sa Théorie Polyvagale. Le mot neuroception permet d’expliciter qu’il s’agit d’une perception qui se passe directement au niveau neuronal, donc sous le seuil de conscience. Je le cite :

[La neuroception] est le processus nerveux à travers lequel le système nerveux évalue de façon inconsciente le risque environnemental.

— Stephen Porges, Théorie polyvagale et sentiment de sécurité, Enjeux et solutions thérapeutiques

Il existe trois portes d’entrées à la neuroception :

Stimuli internes

Le corps humain est rempli de capteurs qui permettent de détecter le rythme cardiaque, la pression artérielle, la composition chimique du sang, la tension dans les tissus des intestins et j’en passe…
Toutes ces sensations, souvent sous le seuil de conscience, participent à créer un sentiment de bien-être, ou pas.

Stimuli externes

Il s’agit de toutes les sollicitations bruyantes, aggressives que peuvent générer l’environnement immédiat. Mais il est important de noter que notre cerveau interprète ce qui se passe à la télévision ou sur les réseaux sociaux de la même manière que si cela se passait à côté de nous.

Co-régulation

Du fait de notre immaturité à la naissance, le lien avec l’autre — la maman dans un premier temps — est un impératif biologique qui dure toute notre vie. Ainsi, les enfants ayant manqué d’attention et de sécurité émotionnelle sont plus susceptibles de faire des adultes moins heureux et plus souvent malades.2

C’est donc selon la neuroception perçue (sécurité, danger, danger mortel) que notre système nerveux autonome va bifurquer sur une des trois branches :

  • Vague ventral : tout va bien,
  • Système orthosympathique : attention danger !,
  • Vague dorsal : trop tard ! Faisons le mort.

Notre caractère va ainsi se forger durant l’enfance. Selon que nous ayons été baigné dans un sentiment de sécurité grâce à un cadre familial serein, ou au contraire exposé à une neuroception de danger chronique avec des parents maltraitants, l’adulte appréhendera le monde avec une vision différente.

Prendre conscience de son stress

Voici un exercice tout simple, issu du super livre Ancré de Deb DANA, qui vous permettra de prendre conscience des sensations corporelles que le stress peut engendrer.

  1. Mettez-vous debout
  2. Basculez sur votre pied droit de façon à poser presque tout votre poids et pensez à une situation où vous vous êtes senti particulièrement stressé.e ou en colère. Cela peut être un événement récent ou quelque chose qui s’est produit il y a longtemps.
  3. Ressentez les tensions dans votre corps. Prenez le temps de faire le tour, de la tête aux pieds.
  4. Basculez sur votre pied gauche en pensant cette fois à une situation où vous vous êtes senti serein ou sereine.
  5. À nouveau ressentez ce qui se passe dans votre corps, la manière dont les tensions, la respiration change. Là encore prenez votre temps.

Pratiquez plusieurs fois ces bascules entre les pieds en essayant d’affiner votre perception sur la façon dont les tensions apparaissent et disparaissent.

Alors c’est forcément à cause du stress ?

Comme vous avez pu le lire dans l’article Pourquoi parler de stress en ostéo ?, la liste des effets du stress sur le corps est longue comme le bras. Du coup la tentation de lui mettre tous les symptômes étranges sur le dos est grande. Cependant, avant de se lancer dans la Quête du Stress, il ne faudra pas négliger d’autres causes qui peuvent être plus compliquées à trouver : déséquilibre postural, endométriose, tensions neurales, anomalies anatomiques rares engendrant des syndromes compliqués (Dunbar, Willkie, etc…)…

Certaines de ces causes peuvent être travaillées en ostéopathie par des techniques sur les nerfs ou sur les fascias par exemple. D’autres seront mieux prises en charges par les podologues et kinésithérapeutes.

Pour les symptômes plus compliqués ne répondant pas aux techniques manuelles, l’avis d’un spécialiste en médecine interne (ou interniste) peut être demandé par votre médecin généraliste. D’après Wikipédia, la médecine interne est la spécialité des démarches diagnostiques difficiles et de la prise en charge des adultes souffrant de polypathologies ou de maladies générales. C’est le Docteur House français.

Conclusion

Vous savez désormais que le stress peut souvent passer inaperçu, influencé par des mécanismes inconscients et des expériences précoces. La neuroception, en particulier, joue un rôle crucial dans notre perception du risque environnemental, bien au-delà de notre conscience immédiate.
En prenant le temps de pratiquer des exercices simples comme celui proposé ci-dessus, vous pourrez commencer à mieux identifier les signaux de stress dans votre corps.

Cependant, il est tout aussi important de ne pas attribuer tous vos symptômes au stress sans explorer d’autres causes potentielles. Une approche holistique, incluant des consultations avec des professionnels de santé variés, peut vous aider à obtenir un diagnostic précis et un traitement adapté. N’hésitez pas à consulter des spécialistes en ostéopathie, kinésithérapie, ou médecine interne pour aborder vos symptômes sous différents angles et trouver des solutions efficaces.

Et après ?

Comme vous avez pu le lire dans l’article Ce n’est pas le stress qui vous stress, il ne s’agit pas de diminuer sa réaction face à un évènement stressant mais plutôt d’augmenter sa perception de sécurité dans les moments difficiles.

Et pour cela, la pratique la plus simple et pourtant très efficace va être de… respirer ! Eh oui la respiration, pratiquée en conscience quelques minutes par jour, va permettre de faire diminuer le stress.

Sources

  1. Porges SW. The polyvagal perspective. Biol Psychol. 2007 Feb;74(2):116-43. doi: 10.1016/j.biopsycho.2006.06.009. Epub 2006 Oct 16. PMID: 17049418; PMCID: PMC1868418.

  2. Winston R, Chicot R. The importance of early bonding on the long-term mental health and resilience of children. London J Prim Care (Abingdon). 2016 Feb 24;8(1):12-14. doi: 10.1080/17571472.2015.1133012. PMID: 28250823; PMCID: PMC5330336.

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